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ILLICH (I.), SANDERS (B.) ABC: l’alphabétisation de l’esprit populaire, La Découverte, 1990, p. 30-31.[1]

Au Ve siècle av. J.-C. d’habiles ouvriers apprirent à graver ou ciseler les lettres de l’alphabet. Mais l’écriture ne faisait pas encore partie de l’enseignement. Le maximum qu’on pût attendre d’un particulier c’était qu’il fût capable d’écrire et d’épeler son nom. Lire couramment et prendre en dictée n’entraient pas dans l’arsenal employé pour discipliner et éduquer. Jusqu’au Ve siècle av. J.-C. à Athènes l’éducation fut purement orale, musicale et gymnique. Le pivot de l’enseignement grec était la mousiké: les élèves s’exerçaient à la récitation et à l’improvisation de poèmes, pratiquaient la rhétorique rythmique, apprenaient à jouer d’instruments à cordes et à vent, étaient formés au chant et à la danse. Quelques peintures de vases où le maître est représenté style en main témoignent que l’alphabet permettait désormais à celui-ci de lire aux élèves les poèmes qu’ils devaient apprendre. Ainsi, un siècle avant que l’apprentissage de l’écriture fasse partie de l’enseignement, les élèves étaient capables de retenir des textes par coeur. Autrement dit, les jeunes Grecs éduqués avaient acquis la faculté de comprendre un texte fixé qu’ils pouvaient écouter, et un respect pour la sonorité de ses mots, longtemps avant qu’on exigeât d’eux qu’ils sachent lire et écrire couramment.

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